Source: https://blog.courrierinternational.com/ma-vie-a-teheran/2020/01/24/pourquoi-il-faut-arreter-de-dire-aux-femmes-quil-est-dangereux-de-voyager-seule / auteure: Lucie Azema / 24 janvier 2020
Non seulement c’est sexiste, mais en plus c’est faux.
Les femmes ont longtemps été écartées des voyages au long cours et des « grandes explorations ». Certaines ont réussi à s’y glisser, comme Jeanne Barret, mais à la seule condition de se faire passer pour des hommes. Ces derniers se sont longtemps gardé les possibilités d’exploits et se sont ménagé des espaces non mixtes où les femmes étaient réduites à des objets de superstitions et de craintes (notamment dans le milieu maritime) – voire à des objets tout court.
Progressivement, les femmes se sont mises à voyager autant que les hommes, de plus en plus loin et de plus en plus seules. Leur éviction du voyage a disparu sur le plan légal, mais persiste sous couvert de « bienveillance » : voyager seule pour une femme serait une chose beaucoup plus dangereuse que pour un homme.
L’aventure, une affaire d’hommes
Aux hommes les grands espaces, les échappées belles et les plaisirs de la solitude consentie. Pourtant, les risques du voyage existent pour eux aussi. Mais dans leur cas, c’est romantique, ça relève du dépassement de soi, c’est l’aventure avec un grand A.
La femme, quant à elle, c’est celle qui reste. A l’image de Pénélope qui attend fidèlement Ulysse pendant que celui-ci enchaîne les aventures et les exploits. L’héroïsme de Pénélope réside dans son attente, sa patience, son immobilité. Le voyage est censé être dangereux pour les femmes, on leur répète qu’elles vont à l’avant de grands dangers. En revanche, il est leur est recommandé de s’anéantir dans l’amour et dans l’attente de celui-ci.
La grande force de ce modèle est de faire apparaître les contre-histoires (on aurait même envie d’écrire les contre-destins) comme exceptionnels. Alors oui, en un sens, ils le sont : pour une femme, jouir pleinement de sa liberté de mouvement – et de sa liberté en général – requiert un élan supplémentaire. Le coût social, psychologique et relationnel est bien plus grand que pour un homme. Mais cette vision appliquée à un argumentaire sexiste et misogyne revient à affirmer qu’une femme qui voyage seule prend des risques inconsidérés, que dans le meilleur des as elle est inconsciente – sinon qu’elle est immorale.
Moi-même, effectivement, je pense que c’est plus dangereux (en général) pour une femme que pour un homme mais tout simplement pour une question de force physique (encore une fois, en général).
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